Une dépêche de l’Agence Haïtienne de Presse (A.H.P) a repris la semaine dernière des extraits d’un rapport de l’International Crisis Group sur
un état des lieux du système judiciaire haïtien. Il ressort de ce
rapport quelques vérités bien connues du grand public. L’une d’entre
elles est le peu de sophistication de notre appareil judiciaire par
rapport à la criminalité mondialisée. Par ailleurs, le rapport souligne
la faiblesse de notre culture juridique quant à l’éthique et la
responsabilité du magistrat.
Or,
nous assistons dans nos sociétés à une montée en puissance du rôle du
juge. La manière de vivre ensemble étant de plus en plus fondée sur la
peur et la prévention du risque, le juge devient selon la juriste Gwénaële Calvès (professeur de droit public à l’Université de Cergy-Pontoise, France), ‘‘un acteur central de la vie publique des sociétés démocratiques’’.
On
annonce au parlement haïtien des projets de lois qui visent par
exemple, à renforcer l’indépendance de la magistrature. Cette
indépendance devra être garantie non seulement vis-à-vis de l’exécutif
mais de tous les pouvoirs quel qu’il soit et aussi des puissances
d’argent.
Le
magistrat s’il doit être un garant contre l’arbitraire du prince ne
doit surtout pas être perçu comme quelqu’un qui s’enrichit sur le dos
des autres. Ni comme une personnalité obscure, inaccessible, détenteur
d’un pouvoir sans égal qui peut ruiner la vie de n’importe quel
citoyen. Se pose dans ce domaine, plus que tout autre, la question
d’accès à la justice et à l’équité. Ce problème déborde largement nos
frontières et s’est posé en France, dans le cas de l’affaire d’Outreau
où l’on a vu des familles entières détruites en raison de
l’inconséquence d’un puissant juge d’instruction, le juge Burgaud.
Pour
ne pas tomber dans les mêmes travers, les projets de lois en cours
d’élaboration devront prévoir en plus du renforcement et de la
protection de la fonction de juge, un « tribunal » de l’éthique. Un
organe dont la mission serait de responsabiliser, d’accompagner les
juges dans leur délicate et difficile tâche de rendre justice.
La
question des recours possible du citoyen face à tout type d’arbitraire
se pose donc avec acuité dans un domaine aussi fondamental pour la
construction de notre démocratie.
Il
est dommageable pour le processus en cours que ce débat
particulièrement sensible ne puisse avoir lieu sans qu’elle n’entraîne
des réactions corporatistes. Nombre de fonctionnaires de la justice,
heureusement, ne partagent pas ce chantage à « l’honneur » de la
magistrature. Ils pensent au contraire, que mettre des gardes de fou
c’est renforcer la crédibilité d’un magister vital pour notre société
ou règne l’impunité la plus crasse, tandis que croupissent en prison
des milliers de gens qui ont soif d’un procès.
On
s’interroge dans la cité : que faire dans le cas d’un juge « hors de
lui » ? Pour certains spécialistes, comme Harold Epineuse (spécialiste
du système juduciaire canadien), qui s’est penché sur ces questions de
déontologie : les principes d’éthique devraient être l’émanation des
juges eux-mêmes, conçus comme un instrument d’autocontrôle du corps,
généré par lui-même, qui permet au pouvoir judiciaire d’acquérir une
légitimité au regard de leurs gravissimes responsabilités. Un peu,
suivant le modèle du conseil consultatif canadien qui lui-même a
inspiré le conseil consultatif des juges européens. Notre conseil de la
magistrature pourrait-il être un organe qui aurait entre autre, cette
fonction ? la démocratie ne saurait se permettre de créer de nouveaux
mostres même sacrés, élu et ou fonctionnaire doivent à un moment ou à
un autre être redevable devant une instance quelconque protectrice des
principes éthiques.
En
attendant, nous confiait un grand ténor de la basoche, il nous faut «
un nouvel esprit qui redonnerait à notre justice la majesté de sa grandeur allégorique ».
Roody Edme