NOUVEAU ROMAN OU ENTREPRISE D'EFFRACTION DU LANGAGE

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La rubrique culturelle de notre journal consacrait, la semaine dernière, un article à la disparition de cet icône du Nouveau Roman qu’était Alain Robbe-Grillet. Cet écrivain controversé qui avec Michel Butor, Nathalie Sarraute et quelques autres faisaient peser sur le récit traditionnel « l’ère du soupçon ».

Il s’agissait à l’époque de mettre à mort le récit traditionnel et de proclamer la déchéance du héros. La notion de personnage subit dès lors les assauts les plus rudes de ceux qui prétendaient révolutionner l’écriture romanesque en transformant le roman en un espace verbal fait de sonorités, de couleurs et de résonances mythiques et affectives.
A propos du personnage de Balzac, Eugénie Grandet, Nathalie Sarraute écrivit sentencieusement :« Depuis les temps heureux d’Eugénie Grandet oú, parvenu au faîte de sa puissance, il trônait entre le lecteur et le romancier, il n’a cessé de perdre tous ses attributs et prérogatives…il a peu à peu tout perdu : ses ancêtres , sa maison soigneusement bâtie, bourrée de la cave au grenier d’objets de toute espèce et surtout ce bien précieux entre tous, son caractère qui n’appartenait qu’à lui, et souvent jusqu’à son nom. »

Le nom dans le nouveau roman ne peut-être que le prétexte d’un jeu formel. Un procédé multiple qui dans sa vacuité contient tout. Le personnage complètement mis à nu n’à que faire d’une quelconque épaisseur psychologique puisqu’il peut-être n’importe qui ou personne ou un monstre, pour ne pas dire un objet aussi hétéroclite que l’histoire dont il fait partie.

Le personnage dans le nouveau roman gît donc entre la banalité et l’efflorescence. Le roman se déroule désormais dans un cadre mouvant qui laisse une grande place à l’incertain et à l’aventure de l’écriture et de la vie. L’écriture devient un territoire broussailleux ou la luxuriance fini par égarer le lecteur.

Derrière ce miroir aux alouettes transparaît de multiples visages et autant d’histoires à jamais recommencées, sans résolution ni fin. Le roman est alors selon Daniel Oster « la valise vide d’un voyageur qu’il faut remplir ».
Dans ce besoin irrépressible de meubler la solitude et, l’angoisse d’habiter un monde peuplé de fantômes, Samuel Beckett et J.Cayrol ont laissé leurs marques. Un désir de parler pour parler qui plonge le lecteur dans un désarroi ou il ne sait plus à quel « je » se vouer.

En voulant « déchouke » le personnage de son trône, les Simon, Butor, et Sarraute avec l’onction du pape Robbe-Grillet ont provoqué dans la littérature un schisme qui condamna au bûcher Fabrice Del Gondo, Julien Sorel et le très énigmatique Javert dont je verrais bien, entre autres, son rôle au cinéma interprété par l’acteur américain Tommy Lee Jones, mais ceci est une autre histoire.

Il y eu donc à travers cette révolution par les lettres la même fourgue qui avait animé un illustre prédécesseur du 19e siècle qui voulait faire souffler une tempête dans l’encrier. Mais autre temps autre pratique d’écriture, les  récits d’un Claude Simon offrent au lecteur un lyrisme différent du lyrisme épique, loin des avancées sanglantes de l’histoire.

Sauf que pour nous autres qui étions dans l’auditoire recevant Robbe-Grillet à l’Institut français en 1980, le nouveau roman ne pouvait être qu’une curiosité intellectuelle pour un pays oú « les ventres ne sont pas vides ».
Nous n’avions pas compris en ces temps d’engagement ou  mourait  « vivant » Jean Paul Sartre, que l’écriture pouvait être comme l’affirmait une fois Alain Sacerni « un moyen de dérégler la mort ».

Roody Edme