La conférence du 31 mars ou la dette du monde !
Seulement cette fois, il y a le poids du tragique. Un drame aux dimensions
apocalyptiques qui hante la mémoire collective du monde. Une sorte d’Armageddon sorti des entrailles de la
terre et qui nous rappelle notre fragilité devant les forces colossales de la
nature. Et cela peut sonner le glas de la fin d’un monde : celui du
sous-développement. De la fragilité excessive d’une nation, laquelle est
accablante aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers qui
« coopèrent » depuis longtemps avec cette catastrophe annoncée.
Le 31 mars est l’occasion d’un bilan mais aussi d’un nouveau départ. Pour
l’heure, il y a un scepticisme quasi-général. Trop d’occasions ont été ratées,
trop de promesses non tenues, trop d’exercices en futilités dans des cénacles
aseptisés ont conduit à l’irréparable. Mais l’espérance n’est pas morte. Cette
nation de résistants est prête à saisir encore une fois sa chance, à profiter
du « développement qu’elle mérite », pour reprendre les mots de l’administratrice du programme des Nations-Unies pour le
développement. A noter que l’assemblée générale des Nations-Unies a dans une
unanimité spontanée saluée la semaine dernière la contribution inestimable de
la révolution haïtienne à l’universalité des droits de l’Homme.
Plus de cent pays se préparent à se pencher sur le « mal »
haïtien et c’est de bonne guerre que nous puissions profité de tant d’alliés
dans cette bataille désormais épique contre le sous-développement. Mais cela
exige que nous disposions d’une vision « churchillienne » du présent
et de l’avenir. Et que l’Etat développe
une pédagogie pour engager la nation dans son ensemble dans cette lutte pour l’émancipation économique et
sociale.
Cette intégration réclame de l’Etat qu’il fasse siennes certaines
initiatives audacieuses de groupes de citoyens de nos différentes régions qui
ont ces dernières années « implorer » la décentralisation du
pays. Devant la belle indifférence de gouvernements successifs : les docteurs
Michel Lominy, Frantz Large, l’industriel Pierre léger sont apparus comme des
hurluberlus porteurs de rêves chimériques… jusqu’à cequ’une sanglante réalité
s’abatte telle une effroyable guillotine sur une capitale qui concentre la
majeure partie de nos activités économiques. Haïti décapitée erre depuis comme un zombi !
A ce propos, le gouvernement aux prises avec une catastrophe sans précédent bafouille,
cafouille mais tente de maintenir la tête hors de l’eau. Il faut plus cependant,
il faut inclure et encore inclure. Pour que le défi devienne collectif !
Pour que la refondation ne soit perçue comme l’affaire d’un gouvernement dont
les « frustrés » attendraient
au prochain tournant l’échec annoncé. Cela ne peut-être que préjudiciable à
notre peuple qui attend depuis longtemps de la classe politique toute tendance
confondue un bel élan de solidarité dans l’adversité.
Le gouvernement aux commandes doit encore donner l’exemple. S’il ne peut
inclure tout le monde dans l’élaboration d’un plan post-séisme---il peut au fur
et à mesure du déploiement du plan intégrer démocratiquement les préoccupations
des secteurs sociaux, des organisations de base qui vivent au jour le jour la
misère du peuple.
Mais pour ceux qui sont familiers des choses de chez nous. Le problème
n’est pas le plan qui est une vision que l’on peut progressivement affiner.
C’est la culture de résultats. Ce sont les voies et moyens de l’exécution du
plan : les calendriers, les activités et les dates de bouclage.
Tout bêtement, on a besoin de voir à la télévision la maquette de la
nouvelle capitale. De connaitre quand débuteront les chantiers de la décentralisation. A quels
résultats devrons-nous nous attendre à la fin des premiers dix-huit mois ?
On n’a pas le temps de poser des
« premières pierres », on a besoin d’actions rapides et visibles, de
voir pour croire !
On veut être sur que l’autorité de reconstruction aura un mandat ferme qui
lui permettra d’échapper à la
volatilité changeante de notre république, au chantage politicien en raison des
milliards qu’elle va gérer, aux luttes d’influence qui feront peu cas de
l’intérêt collectif. En même temps qu’il faudra trouver des mécanismes pour
qu’elle puisse rendre compte aux élus de sa gestion.
Bref une nouvelle politique intelligente, loin des mesquineries habituelles
et des manœuvres suicidaires. Sans ces manèges politiciens qui donnent le
tournis et qui font perdre le nord à toute une nation qui cherche sa voie.
Après tout comme l’affirmait, le confrère Nicolas Janvier, vivre sur des
plaques est loin d’être une fatalité. Les Etats les plus riches du monde sont
construits sur les failles les plus actives. Il s’agit pour nous d’être à la
hauteur de ces défis écologiques.
Roody Edmé